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Les externalités causent de nombreux problèmes de société, à commencer par le réchauffement climatique
Olivier Simard-Casanova
Nancy, Lorraine, France
Économiste, data scientist, conférencier et auteur indépendant
Chère abonnée, cher abonné,
Je l’écris régulièrement : sur L’Économiste Sceptique, l’un de mes objectifs est de vulgariser la science économique. J’écris sur différents sujets comme l’économie de l’environnement ou les conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Il m’arrive régulièrement d’avoir l’idée d’écrire un article en écrivant un autre article.
L’article d’aujourd’hui est un peu particulier : l’idée de l’écrire m’est venue plusieurs fois. Les externalités sont un concept majeur de la science économique, et un phénomène économique qui cause de nombreux problèmes de société. Ça n’est pas surprenant que l’idée d’écrire un article du Wiki sur les externalités me soit venue plusieurs fois.
Contrairement à une idée fausse mais répandue sur la science économique, la science économique n’est pas réellement la « science qui étudie l’argent ». Il est vrai qu’une partie des recherches scientifiques des économistes portent sur les « questions d’argent ». Mais d’une part, de nombreux économistes font des travaux sur des sujets sans rapport direct avec l’argent — comme la criminalité, l’éducation, la santé ou encore la culture. D’autre part, d’autres sciences humaines et sociales comme la sociologie ou la psychologie sociale étudient également les « questions d’argent ». La science économique est avant tout une science qui étudie les choix, petits et grands, que font les humains.
Pourquoi faire ce détour sur l’importance des choix dans la science économique ? Parce qu’une d’externalité est fondamentalement l’effet d’un choix. Plus exactement, une externalité est un effet (positif ou négatif) non désiré et gratuit que provoque un agent économique sur des tiers lorsqu’il prend une décision. On appelle parfois les externalités les effets externes.
Pour qu’il y ait une externalité, il faut que l’effet provoqué sur les tiers remplisse en même temps les deux conditions de la définition. L’effet doit être « non désiré » : l’agent qui provoque l’effet sur les tiers n’a pas l’intention de le provoquer et ne le prend pas en compte dans sa décision. Si l’agent qui provoque l’effet le prend en compte, soit il ne s’agit plus d’une externalité, soit l’agent est dans une interaction stratégique — que modélise la théorie des jeux, sur laquelle j’écrirai plus tard. L’effet doit être « gratuit » : l’effet n’est associé à aucun prix, ni à aucun mécanisme de tarification équivalent. Si l’effet a un prix, il ne s’agit plus d’une externalité.
Il y a deux types d’externalités : les externalités positives et les externalités négatives. Les externalités positives sont les externalités qui provoquent un effet positif sur les tiers ; les externalités positives sont les gains non désirés et gratuits que provoque un agent économique sur des tiers lorsqu’il prend une décision. Les externalités négatives sont les externalités qui provoquent un effet négatif sur les tiers ; les externalités négatives sont les coûts, ou dommages, non désirés et gratuits que provoque un agent économique sur des tiers lorsqu’il prend une décision. Prenons quelques exemples pour y voir plus clair.
L’exemple classique d’une externalité négative est la pollution. Imaginons une usine qui émet du CO2. Cette pollution provoque un dommage collectif car elle contribue à accélérer le réchauffement climatique — réchauffement qui a d’ores et déjà des coûts pour la société. Le CO2 émis est une externalité négative car l’usine qui émet le CO2 ne prend pas en compte les émissions lorsqu’elle fait ses choix de production. Émettre du CO2 est par ailleurs gratuit pour elle : elle ne compense pas les tiers qui subissent l’accélération du réchauffement climatique. Qu’elle produise un peu de CO2 ou beaucoup de CO2 est sans conséquence sur ses coûts, et donc sur ses choix de production.
Un exemple d’externalité positive est les transports en commun. En permettant aux usagers de se déplacer facilement sur le territoire qu’ils desservent, l’opérateur d’un réseau de transports en commun facilite l’appariement entre travailleurs et employeurs, ce qui génère indirectement de la croissance économique. Cette croissance économique supplémentaire profite aux usagers des transports en commun, mais également à des non-usagers. Les transports en commun sont une externalité positive car l’opérateur ne prend pas en compte les gains de croissance que son service génère lorsqu’il fait ses choix de production. Générer de la croissance supplémentaire est par ailleurs gratuit pour lui : l’opérateur n’est pas rémunéré par les tiers qui bénéficient de la croissance que les transports en commun génèrent. Que son service génère un peu de croissance ou beaucoup de croissance n’aura pas d’influence directe sur son chiffre d’affaires, et donc sur ses choix de production.
Les externalités sont un phénomène économique majeur car elles causent un nombre important de problèmes de société. Ce sont par exemple les externalités qui sont la cause du réchauffement climatique — et plus généralement, de nombreux problèmes environnementaux. Ce sont les externalités qui expliquent pourquoi l’État fournit lui-même un certain nombre de services, les fameux services publics. Et ainsi de suite. Les externalités influencent également les politiques publiques mises en place pour les résoudre.
Pourquoi les externalités causent-elles autant de problèmes ? Pour le comprendre, il faut s’intéresser à l’un des résultats les plus importants de la science économique :
Reprenons nos exemples pour voir comment ce résultat se décline, et ce qu’il implique.
Dans le cas de la pollution, les externalités négatives vont causer une surproduction de pollution. L’intuition est la suivante : parce que polluer ne coûte rien, il n’y a aucun coût à polluer à l’excès. Et donc, on va polluer à l’excès. Une externalité négative provoque un excès de dommages. Vous vous dites peut-être que sans les externalités, il n’y aurait pas de réchauffement climatique. D’après moi, vous avez raison.
Dans le cas des transports en commun, les externalités positives vont causer une sous-production de transports en commun. L’intuition est la suivante : parce que l’opérateur n’est pas rémunéré à la hauteur des gains qu’il génère dans la zone qu’il dessert, il lui manquera des moyens financiers pour produire autant de trajets que nécessaire. Il n’y aura pas assez de lignes, et la desserte des lignes existantes ne sera pas suffisamment fréquente. Une externalité positive provoque une réduction des gains sociaux.
Qu’elles soient positives ou négatives, les externalités posent des problèmes. Certains sont mineurs, d’autres, comme le réchauffement climatique, sont majeurs. Les deux exemples illustrent qu’il est important de pouvoir les résoudre efficacement. Comment faire ? Comme pour l’inflation, il n’y a pas de solution unique. Les pouvoirs publics ont à leur disposition un ensemble de politiques publiques dont l’efficacité a été évaluée empiriquement.
J’aborderai ces politiques publiques permettant de résoudre les externalités dans mon prochain article, que je publierai la semaine prochaine. Pour ne pas le manquer, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter.
À bientôt pour le prochain numéro,
Olivier
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