💎 #116 · Le mystère des plans sociaux de Big Tech

Et aussi : différence entre les sciences de gestion et la science économique, des craintes sur le prix de l'énergie en Europe pour l'hiver prochain et désinformation en chaîne sur le Twitter 2.0 d'Elon Musk

💎 #116 · Le mystère des plans sociaux de Big Tech
Mise à jour le 3 février 2023 à 20:10 : ajout d'une phrase dans l'avant-dernier paragraphe (elle a été mangée par le correcteur de langue)

Chère membre Plus, cher membre Plus,

les entreprises de Big Tech ont récemment annoncé de nombreux plans sociaux : Google, Microsoft, Amazon, Meta et d'autres ont licencié des dizaines de milliers de personnes. En cause, disent-elles, le ralentissement de l'économie. Il y a deux analyses à mon avis intéressantes à faire de ces plans sociaux.

La première est qu'une entreprise de Big Tech se distingue par l'absence de plan social : il s'agit d'Apple. Elle n'a annoncé aucun plan social. Il est intéressant de noter que contrairement aux entreprises qui ont annoncé un plan social, Apple a beaucoup moins embauché depuis 2019 : son nombre d'employés a augmenté de 20%, là où celui d'Amazon et de Microsoft a augmenté de 50%, et celui de Meta a quasiment doublé !

WSJ: ‘How Apple Has So Far Avoided Layoffs: Lean Hiring, No Free Lunches’
Link to: https://www.wsj.com/articles/how-apple-has-so-far-avoided-layoffs-lean-hiring-no-free-lunches-11674274185

Le second argument porte sur le rapport coûts-bénéfices de ces plans sociaux. L’argument du “ralentissement de l’économie” est étrange : la plupart de ces grandes entreprises sont non seulement rentables, mais ont connu des profits records ces dernières années. En admettant que leur activité ralentisse au cours des prochaines années, ce que certains indicateurs suggèrent, ce ralentissement ne les met pas en danger. Au pire, il diminuera un peu leurs profits. Pourquoi, dans ce cas, licencier autant de monde ?

La question est loin d’être anodine. Les plans sociaux sont coûteux pour les entreprises qui y ont recours. Ils désorganisent les organisations. Ils ont un impact négatif sur la santé, notamment mentale, des personnes licenciées. Ils dégradent la culture interne. Dans le cas de Big Tech, ils vont probablement compliquer le recrutement de nouveaux salariés, à la fois du fait de leur ampleur, mais également du fait de la manière dont ils ont été conduits : des salariés de Google ont découvert qu’ils avaient été licenciés lorsque leur badge a cessé de fonctionner. Meta avait fait des offres d’emploi fermes à des ingénieurs, offres que Meta a ensuite retirées. Enfin, d’un strict point de vue financier, les plans sociaux sont coûteux : il faut dédommager les personnes licenciées, parfois avec des montants importants lorsqu’il s’agit de personnes avec des salaires élevés qui ont beaucoup d'ancienneté.

Les plans sociaux ont des coûts, et dans le cas de ceux de Big Tech, leurs bénéfices pour les entreprises qui les ont mis en place sont loin d’être évidents. Ce qui pose la question de leur rapport coûts-bénéfices, qui n'est vraiment pas clair. Malgré tout, pourquoi autant d’entreprises de Big Tech ont-elles licencié autant de personnes ?

Un chercheur en sciences de gestion propose une hypothèse : la contagion. Les entreprises de Big Tech ont autant licencié parce que leurs concurrents ont… eux aussi licencié. Je trouve l'hypothèse intéressante, en partie car elle recoupe (un peu) le sujet de ma thèse. Elle l'est aussi car elle va également me permettre d’expliquer la différence entre les sciences de gestion et la science économique, une différence pas toujours claire.

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