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Punir les critiques légitimes plutôt que corriger des enseignements pseudoscientifiques est une attitude universitaire aussi choquante que décevante
Olivier Simard-Casanova
Nancy, Lorraine, France
Économiste, data scientist, conférencier et auteur indépendant
Chère abonnée, cher abonné,
Je décale à la semaine prochaine le numéro sur l’efficacité des sanctions économiques contre la Russie. J’ai en effet été très choqué d’apprendre hier que l’Université de Lorraine avait vraisemblablement décidé de punir La Tronche en Biais pour avoir critiqué un cours pseudoscientifique d’homéopathie dispensé à la faculté de pharmacie de Vandœuvre-lès-Nancy.
Ce sont des méthodes bien évidemment inacceptables, d’autant plus qu’elles mettent en danger l’ASTEC, l’association qui produit La Tronche en Biais. L’Université de Lorraine s’est jusqu’ici distinguée par son excellence sur la culture scientifique et technique, et il est bien triste de la voir faire un tel virage à 180°. Le travail remarquable des personnes qui travaillent dans son service de culture scientifique et technique mérite tellement mieux.
Quelques éléments de contexte pour bien comprendre ce qu’il se passe. L’an dernier, un·e étudiant·e de cette faculté de pharmacie a transmis à La Tronche en Biais le support du cours d’homéopathie dispensé dans ladite faculté. Loin d’être cohérent avec la littérature scientifique, le support du cours en question consiste en une sorte de promotion non sourcée et pseudoscientifique de l’homéopathie.
Boiron a un site situé à Vandœuvre-lès-Nancy et a déjà remis des prix à des étudiant·e·s de l’Université de Lorraine, comme en atteste cet article de 2019.
La critique de La Tronche en Biais n’a fait l’objet d’aucune réponse de la part de la faculté de pharmacie. Cette dernière a jugé plus utile de se lancer dans une vendetta interne contre l’étudiant·e ayant fait “fuité” le support de cours. Elle n’a semble-t-il pas non plus jugé utile de prendre les mesures adéquates pour corriger un cours manifestement pseudoscientifique. Il s’agit là de méthodes quelque peu surprenantes pour une faculté universitaire.
On en arrive enfin aux derniers développements : depuis de nombreuses années, l’Université de Lorraine a confié à Thomas C. Durand un module d’initiation à l’esprit critique à destination des doctorant·e·s. L’Université de Lorraine, en lien avec sa mission de promotion de la recherche auprès du grand public, met également à disposition de La Tronche en Biais divers lieux pour l’organisation des Tronches en Live.
Sans aucune explication, l’Université de Lorraine a mis un terme à ces deux collaborations.
Thomas est bien évidemment rémunéré pour les modules qu’il dispense, et la mise à disposition de lieux par l’Université de Lorraine pour les Tronches en Live permet à l’ASTEC de faire de substantielles économies lui permettant de multiplier le nombre d’évènements publics à budget constant. Ces décisions incompréhensibles de l’Université de Lorraine mettent en danger l’existence même de l’ASTEC. Voir l’Université de Lorraine mettre en danger l’existence de l’un des fleurons nancéiens et lorrains de la culture scientifique et technique pose d’inconfortables questions sur les véritables objectifs poursuivis par sa nouvelle équipe de direction de l’université, élue il y a quelques mois.
Bien évidemment et comme le dit Thomas dans la dernière vidéo, l’Université de Lorraine a le droit de mettre un terme à sa collaboration avec l’ASTEC. Là n’est pas le sujet. Le vrai sujet, ce sont les circonstances : il est étonnant qu’une relation vieille de bientôt dix ans arrive “soudainement” à son terme quelques mois après ces deux vidéos critiques, qui plus est à la suite de l’arrivée d’une nouvelle équipe de direction. Et le tout, sans donner la moindre explication, à personne, sur les motifs de cette arrêt de la collaboration. Un accord politique a-t-il été passé entre la nouvelle équipe dirigeante et le décanat de la faculté de pharmacie pour faire taire ce vulgarisateur aux propos gênants pour la faculté de pharmacie, semble-t-il peu soucieuse de fournir à ses étudiant·e·s des cours fondés sur l’état de la recherche scientifique ? Je n’en sais bien évidemment rien. Mais compte tenu des circonstances, il ne me semble pas illégitime de se poser la question.
Pour ma part, en tant qu’ancien étudiant et ancien membre du personnel de l’Université de Lorraine, je suis extrêmement déçu de ces méthodes qui n’ont pas leur place dans une université de son statut. En tant que nancéien et en tant que lorrain impliqué dans la vie politique nancéienne, je suis également extrêmement déçu de voir l’Université de Lorraine prêter aussi peu de considération pour l’écosystème de culture scientifique et technique régional. C’est une décision surprenante alors que l’Université de Lorraine est sensée participer au rayonnement scientifique de la Lorraine. En tant que vulgarisateur scientifique, je crains que cette punition choquante ne laisse de profondes traces dans la relation pourtant fertile entre l’Université de Lorraine et la communauté des vulgarisateurs scientifiques. D’autant que l’équipe du service de culture scientifique et technique (que je connais) fait un travail d’excellence plaçant l’Université de Lorraine en pointe dans le monde francophone.
J’ose espérer que cette histoire n’est rien d’autre qu’un gigantesque malentendu. J’ose espérer que les questions inconfortables mais légitimes que posent cette réaction inacceptable de l’Université de Lorraine ne mènent pas aux pires réponses auxquelles on peut penser. Comme d’autres, j’attends désormais que l’Université de Lorraine et sa présidente donnent a minima les explications auxquelles l’ASTEC, le grand public, les étudiant·e·s et les personnels de l’Université de Lorraine, mais aussi les nancéien·ne·s et les lorrain·ne·s ont droit.
Si vous êtes étudiant·e ou personnel de l’Université de Lorraine, n’hésitez pas à demander vous aussi des explications en interne.
Il n’est pas trop tard pour corriger le tir. Les erreurs, nous en faisant toutes et tous.
À bientôt pour le prochain numéro de L’Économiste Sceptique,
Olivier
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